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TASSO (Torquato), La Délivrance de Hiérusalem (1595)

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[encadrement gravé]

LA DELIVRANCE/ De hiervsalem/ Mise en vers François, de/ l’Italien de Torquato Tasso/ Par iean dv vignav/ Sr de Vuarmont Bourdelois/ A Monseignevr/ Le Prince de Conty./ Auec priuilege/ du Roy/ A Paris/ Chez mathieu guillemot/ au pallais en la gallerie/ par ou l’on va à la/ Chancellerie.

In-12 [272] feuillets signés ã4 A-Y12 Z4 chiffrés [IV] 1 (2) 3-27 24 29-259 [IX] ; le feuillet ã4 blanc manque dans l’exemplaire décrit.Titre-frontispice gravé en taille douce (117mm), signé L.G. [Léonard Gaultier] en haut à droite, aux figures de la Paix et de la Guerre, et le portrait de Torquato Tasso couronné, tenu par deux angelots. Ce portrait ovale (30 mm) est une réduction du portrait gravé par Thomas de Leu, figurant sur la traduction de Blaise de Vigenère, publiée en mars de la même année, chez Abel L’Angelier ; cet autre portrait reproduit le portrait ornant la Gerusalemme conquistata imprimée à Rome chez Guglielmo Facciotti, en 1593. Petit bandeau au mascaron et grotesques ; autre aux lapins ; lettrines ; caractères italiques.

La réception française de la Gerusalemme liberata fut très précoce, et on ne saurait surestimer le rôle que joua Montaigne. Après avoir rencontré Torquato Tasso à Ferrare, en novembre 1580, il introduisit le poème dans les lettres françaises en citant plusieurs extraits dans la deuxième édition des Essais, dès 1582. Ce fut lui, en outre, qui vraisemblablement transmit le texte de l’Aminta à son ami Pierre de Brach, dont la traduction fut publiée en 1584 à Bordeaux, par Simon Millanges. Dans son avis au lecteur, le libraire bordelais souhaitait que le traducteur poursuivît son œuvre, « et mette fin à un haut et grand ouvrage en faisant veoir Françoise la Gierusaleme [sic] liberata de Torqua. Tasso, comme j’en ay veu quelque echantillon de luy ». De Brach n’acheva pas cette version, établie sur une édition de 1581 ; il la considérait comme un exercice poétique sur un texte « scabreux et serré », et ce n’est qu’en 1596 qu’il publia chez Abel L’Angelier un essai comprenant la version de quatre chants, avec le texte italien pour le chant XII. Dans un avis au lecteur, il reconnaissait publier une traduction partielle plusieurs années après sa rédaction, alors qu’une autre version en vers venait d’être imprimée.

Cette version en vers à laquelle il faisait allusion avait été publiée en juillet 1595, chez le libraire parisien Mathieu Guillemot, associé pour l’occasion à Nicolas Gilles, avec une dédicace politique du libraire au prince de Conti, François de Bourbon-Condé (1558-1614), frère resté catholique du prince de Condé, et cousin de Henri IV. Cette version venait quelques mois après que L’Angelier eut publié une traduction de la Gerusalemme liberata en prose, due à Blaise de Vigenère. La version en vers était l’œuvre de Jean du Vignau, ou Du Vigneau, sieur de Vuarmont [1], un Bordelais lui aussi, comme De Brach et Montaigne. Elle avait pour origine, sinon une initiative directe de Montaigne, du moins un véritable concours poétique dans son entourage, impliquant l’imprimeur Millanges et Pierre de Brach, mais aussi Jean de Boyssières et Jérôme d’Avost, dont les versions du poème restèrent inachevées.

En apparence, rien de commun entre les fragments publiés par De Brach et la version de Du Vignau, que distinguent même les arguments, rendus en prose par le premier, en vers par le second. Du Vignau indique toutefois une lacune de six vers dans le chant XII (conforme à l’édition Ingegneri), et la version de De Brach propose un texte analogue, et l’on notera cette curieuse rencontre sur un même vers du même chant, « E dopo lungo faticar respira ». De Brach proposait « Et après long ahan pantoisement respire », et Du Vignau, « Et après long travail pantoisement respirent ».

La traduction de Du Vignau est en alexandrins, avec des passages lyriques en vers de 7 syllabes (chanson d’Armide, chant XIV), ou même en vers de 7 et 3 syllabes (chanson du perroquet, chant XVI). Riche en beaux vers et en réussites de détail, elle s’inscrivait dans l’ambition française du grand poème, et offrait une réponse cohérente au problème de la traduction poétique en proposant une épopée achevée, en français. De ce point de vue, elle est injustement négligée. Cette réussite est d’autant plus surprenante que la Délivrance de Hiérusalem est la seule œuvre connue de Du Vignau.

Hauteur : 141 mm. Parchemin ; titre calligraphié au dos (reliure de l’époque).

Provenance : au verso du titre, ex-libris biffé, daté 1751 ; f. 196 v° : essais de métrique latine.

→ Goujet, VII, 22 ; BL, French Books, 414 (Guillemot) ; Carpanè, 522 (recense 5 exemplaires au nom de Guillemot et 9 au nom de Gilles).

[1Le personnage est peu connu ; il est probablement apparenté à Arnaud et Bernard du Vignau, bourgeois de Bordeaux, en 1560, l’un et l’autre officiers de la Jurade dans le quartier de la Rousselle, le quartier de Montaigne.

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