[titre-frontispice gravé]
RIME/ de gli academici/ eterei/ dedicate alla serenissima/ madama margherita di/ vallois [sic] dvchessa/ di savoia/ [emblème : victor se tollit ad avras./ gli eterei]
In-4° [84] feuillets signés §4 A-X4 chiffrés [IV] 1-74 (75) 76 [VIII] ; dans l’exemplaire décrit, le f. V4 manque. Titre-frontispice gravé en taille-douce (145 x 196 mm), aux figures de Minerve et de Mercure et à l’emblème des Eterei (un char auquel sont attelés deux chevaux, un cheval blanc qui le tire vers le haut, un cheval noir qui l’entraîne vers la bas, suivant une allégorie prise du Phèdre de Platon), non signé, mais attribué à Adamo Ghisi, dit Scultori, de Mantoue ; la devise « Victor se tollit ad auras » est adaptée de Virgile (Enéide, II, 699, « Hic vero victus genitor se tollit ad auras ». Bandeau ; lettrines ; le sonnet liminaire est imprimé par erreur sur le verso du f. §4, alors que le recto est blanc.
L’Accademia degli Eterei fut fondée en 1564 par Scipione Gonzaga, alors étudiant à Padoue ; en janvier 1564, Stefano Santini prononça une oratio pro Æthereorum Academia initio Patavii habita (publiée la même année, Venise, N. Bevilacqua). L’académie se réunissait deux fois par semaine dans la demeure du prince, pour traiter de sujets moraux ; elle cessa son activité en 1567, au moment du départ de son protecteur. Celui-ci, né en 1542 à Mantoue, était fils de Carlo Gonzaga, marquis de Gazzuolo et d’Emilia Cauzzio Gonzaga ; destiné à une carrière ecclésiastique, archidiacre de Mantoue, chambellan et camérier d’honneur du pape Pie IV, il devint successivement patriarche de Jérusalem (1585) et cardinal prêtre, au titre de Santa Maria del Popolo (1587). Poète lui-même, il eut une importante activité littéraire et joua un rôle essentiel auprès de Torquato Tasso, dont il révisa la Gerusalemme liberata, et qu’il hébergea à Rome [1].
En 1567, les Accademici Eterei, réunirent leurs compositions en un recueil collectif comprenant 185 pièces dont 172 sonnets. Les 11 auteurs sont : Ridolfo Arlotti, de Modène, dit Il Sicuro [2] (20), Annibale Bonagente, Il Digiuno [3] (24), Pietro Gabrielli [Gabriele], L’Impedito (7), Scipione Gonzaga, L’Ardito (15), Luigi Gradenigo [Gradinico], L’Occulto [4] (2), Battista Guarino, Il Costante (37), Ascanio Pignatelli, L’Adombrato [5] (3), Giovanni Francesco Pusterla, L’Affrenato [6] (17), Stefano Santini, de Mantoue, L’Invaghito (15), Giovachino Scaino, de Salò, Il Lagrimoso [7], Torquato Tasso, Il Pentito (42 pièces dont 39 sonnets).
Le recueil est dédié à Marguerite de France (1523-1574), duchesse de Berry et, depuis 1559, duchesse de Savoie par son mariage avec Emmanuel-Philibert. Outre des pièces en proposte ou risposte adressées aux académiciens eux-mêmes (Ridolfo Arlotti, Scipione Gonzaga (6), Luigi Gradenigo, Battista Guarini (2), Giovanni Francesco Pusterla), certaines des pièces sont adressées au cardinal d’Augusta [Augsbourg] [8], à Isabella Bendidio, Lucrezia Bendidio, Plautilla Bentivoglio, Diomede Borghesi [9], Luigi Cocco, Isabella di Correggio Gonzaga [10], Alfonso II d’Este, duc de Ferrare, Leonora d’Este (3), Ginevra Salviati Baglioni, Faustina Tacca Borromeo [11]. Autres pièces sur la mort du roi de France Henri II (en 1559), d’Irene di Spilimbergo (en 1559), de Giulia della Rovere [12], Stefano Santini, Camilla Ruggieri. La table indique pour la plupart des pièces les circonstances de leur composition et leurs destinataires.
Le recueil offre une importante contribution de Battista Guarini et du jeune Torquato Tasso, qui donnait là sa première publication d’ensemble. Les rime de ce dernier, dont quatre sonnets avaient déjà été publiés dans l’anthologie réunie par Dionigi Atanagi (Delle rime di diversi nobili poeti toscani, Venise, L. Avanzo, 1565), constituent un véritable canzoniere, composé à partir de 1561 pour Lucrezia Bendidio, une demoiselle de la suite de Leonora d’Este, fille de Nicolò Bendidio, qui épousa en 1562 le comte Paolo Machiavelli, oncle maternel de Battista Guarini ; Torquato Tasso continua à écrire à Lucrezia et à composer pour elle au moins jusqu’en mai 1585 ; il adressa d’autres pièces à ses sœurs, Anna Bendidio de’ Putti et Isabella Bendidio Bentivoglio. Mais l’intérêt du recueil repose aussi dans le projet collectif qu’il propose, la tentative cohérente des Eterei de chercher une issue à un néo-pétrarquisme dominant alors voué à l’impasse, en prenant le parti difficile d’une nouvelle langue lyrique fondée sur la complexité métrique et la densité de l’expression. Dans cette tentative, Giovanni della Casa offrait le grand modèle à suivre, mais un modèle déjà dépassé, que les Eterei enrichissaient par la recherche systématique de la pointe et d’une sorte d’agudezza, que Marino allait pleinement réaliser quelques années plus tard. Ces caractères se retrouvent dans toutes les contributions du volume, même les plus modestes. Scipione Gonzaga lui-même, dans un ensemble de poèmes où prédomine une certaine galanterie, joue de la complication des structures rhétoriques et métriques et d’un travail tout particulier sur les sonorités, ainsi qu’en témoignent le sonnet ‘O come ben confassi al mio tormento…’, chargé de tonalités sombres, ou l’essai de concettisme du sonnet funèbre ‘Dopo una lunga e sanguinosa pace…’, qui déplore la mort accidentelle du roi Henri II, en reprenant à la rime les mêmes mots, guerra et pace, selon le schéma abba abba aba bab. La cohérence du recueil est renforcée par le recours, chez les différents poètes, au même répertoire thématique, à des figures mythologiques et des emblèmes identiques, et par une sorte d’émulation sur des sujets partagés ou pour des destinataires communs.
L’impression du recueil est attribuée à Comin da Trino, actif à Venise entre 1539 et 1573 ; une seconde édition fut publiée à Ferrare en 1588 (Vittorio Baldini pour Alfonso Carafa), avec une nouvelle dédicace à Scipione Gonzaga, devenu cardinal.
Hauteur : 212 mm. Parchemin (reliure ancienne).
Provenance : signature sur le titre : Grassi Grassetto (?). Diverses annotations anciennes : correction des errata, ajout d’arguments en tête de certains poèmes, une caricature à la plume, f. 51 verso. Onze sonnets de Guarini sont entièrement remaniés et proposent de très importantes variantes manuscrites qui peuvent être attribuées à l’auteur.
→ Edit16 (22 exemplaires) ; Carpané, p. 768 (recense 9 exemplaires) ; Ascarelli-Menato, p. 377-378 ; Panizzi, 6 ; La ragione e l’arte, 27 ; Edizioni tassiane, 30.
G. Gennari, « Saggio storico sopra le Accademie di Padova », in Saggi scientifici e letterari dell’Accademia di Padova, Padoue, 1786 ; A. Daniele, « Il Tasso e l’Accademia degli Eterei », in Capitoli tassiani, Padoue, Antenore, 1983, p. 3-33 ; A. Di Benedetto, « Le ‘rime eteree’ del Tasso », in Tasso, minori e minimi a Ferrara, Turin, Genesi, 1989, p. 9-13 ; L. Baldacci, « Il Tasso ‘Etereo », Studi italiani, III, 1991 ; M. Zaccarello, « Appunti sulle ‘Eteree’ del Tasso », Rivista di letteratura italiana, IX, 1991, p. 565-589 ; M. Magliani, « Sull’edizione delle Rime de gli Academici Eterei del 1567 », Atti e memorie dell’Accademia patavina di scienze, lettere ed arti, CVI, III, 1993-1994, p. 5-26 ; G. Auzzas, « La ‘raccolta’ delle Rime de gli Academici Eterei », in Formazione e fortuna del Tasso nella cultura della Serenissima, actes du colloque, Padoue-Venise, 1995, Istituti veneto di scienze, lettere ed arti, Venise, 1997, p. 97-107 ; M. Pastore Stocchi, « La poetica degli Eterei », ibid., p. 109-120 ; A Casu, « ’Transalta proficit arbos’. Le imprese ‘eteree’ nelle rime del Tasso », Italique, II, 1999, p. 81-111 ; F. Gavazzeni, « Per l’édizione delle Rime de gli Academici Eterei », in Sul Tasso. Studi di filologia e letteratura italiana offerti a Luigi Poma, Rome-Padoue, Antenore, 2003, p. 213-228.
Editions modernes : Rime ‘eteree’, éd. L. Caretti, Parme, Zara, 1990 ; Rime degli Accademici Eterei, éd. G. Auzzas & M. Pastore Stocchi, Padoue, 1995.