le terze rime/ di dante
[souscription] venetiis in aedib. aldi./ accvratissime./ men. avg./ m.dii..
In-8° [244] feuillets signés a-z8 A-G8 H4, non chiffrés. Marque au verso du feuillet H4 (ancre aldine, 53 mm ; Fletcher 2 et A1a) ; caractères italiques. On connaît plusieurs exemplaires sur vélin. Il existe non pas deux émissions à la même date, mais différents états de certains feuillets, liés à des accidents en cours d’impression : la mention « Alagheri » au v° du premier feuillet ou la mention corrigée « Aligheri », les cahiers a-c réimprimés, le verso du dernier feuillet avec ou sans la marque.
Première édition de la Commedia publiée par Alde, sous le titre de Terze rime, et première édition de Dante en petit format, imprimée avec le caractère italique de Francesco Griffo, dit Francesco da Bologna. Elle eut un rôle fondateur pour la langue italienne et la culture littéraire de la Renaissance. Le texte est établi par Pietro Bembo, d’après un manuscrit transmis par Boccace à Pétrarque, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Vaticane (Vat. 3199). Bembo avait commencé à collationner ce manuscrit le 6 juillet 1501, et il acheva son travail un an plus tard, dans la demeure d’Ercole Strozzi, à Ricano. Il s’était également servi d’un second manuscrit, aujourd’hui conservé à Lucques (Pal. 117). La copie est conservée (Vat. 3197). Bembo s’occupa de faire distribuer son édition ; il chargea ainsi Ercole Strozzi de donner un « Dante in forma piccola » à Tebaldeo [1] ; Isabelle d’Este reçut également un exemplaire, aujourd’hui conservé à la British Library.
Cette édition passe pour être la première édition aldine à comporter une marque typographique. Alde en fait avait déjà employé la marque à l’ancre et au dauphin dans l’édition des Poetæ christiani veteres, en janvier 1501, reprenant une suggestion de l’Hypnerotomachia Poliphilii de 1499, où cette illustration figurait comme emblème accompagné de la devise « festina lente ». Pour ses volumes de format in-8°, il fit graver une marque de dimension réduite, qui ne fut achevée que tardivement et qui ne put être utilisée pour l’édition de la Commedia qu’en cours de tirage, sans que les exemplaires déjà imprimés en fussent pourvus.
Hauteur : 152 mm, exemplaire interfolié et monté au format grand in-8° (194 mm). Cartonnage vert du début du XIXe siècle, dos orné.
Provenance : sur le feuillet a2, blason enluminé, d’un premier possesseur non identifié [2] ; l’exécution est attribuable à un atelier vénitien travaillant pour Alde, celui du « First Pisani Master » ou d’Alberto Maffei [voir H. K. Szépe, « Bordon, Dürer and modes of illuminating Aldines », in Aldus Manutius and Renaissance Culture, 1998, p. 185-200, illustrations 4 et 6, ainsi que A. Dillon Bussi, « Le Aldine miniate della Biblioteca Medicea Laurenziana », in Aldo Manuzio tipografo, p. 201-205 et planches p. 219 et 221] ; l’exemplaire est annoté de la main de l’humaniste ferrarais Celio Calcagnini (1479-1541), voir ci-dessous, notice ad vocem ; inscription sur le titre, datée du 6 octobre 1852, signée de Giuseppe Antonelli (1803-1884, bibliothécaire de Ferrare ; Parenti-Frati, I, 44) attestant l’authenticité de l’annotation ; un reçu, daté de Ferrare, 16 décembre 1520, portant la signature de Calcagnini, est relié en tête du volume.
On connaît plusieurs exemplaires de l’édition aldine de la Commedia portant des annotations de lecteurs de l’époque, par Lorenzo Salviati (Florence, B. Naz., fonds Maglabecchi), par Sperone Speroni (Milan, Triv.), par Giovanni Brevio, annoté dès 1508 (De Batines). Les annotations de Calcagnini, nombreuses et variées, recouvrent les marges de l’ensemble du présent volume jusqu’au huitième chant du Purgatorio (feuillet B5 v°) ; certaines ont été rognées par le relieur et ne sont que partiellement lisibles. Un grand nombre sont de simples notes de langue, destinées à faciliter la compréhension de mots ou d’expressions, parfois complétées d’observations sur l’étymologie ou l’origine de ceux-ci. D’autres donnent des précisions sur les structures rhétoriques et mettent en évidence l’emploi de figures particulières. Très fréquentes sont les annotations apportant une information, même brève, sur les personnages que rencontrent Dante et Virgile, ou sur la matière du passage (par exemple : « questo XV tratta col XVI de’ violenti contro natura » f. e2). Quelques-unes en outre proposent des références à la culture classique ou donnent des précisions d’ordre chronologique ou astrologique (par exemple, au début du chant XXIV de l’Inferno). Parmi les différentes formes d’annotation, on remarque en particulier l’usage fréquent de signes latéraux, sortes d’accolades qui délimitent une strophe de trois vers et qui servent à scander les différents épisodes à l’intérieur d’un même chant.
La bibliothèque de Calcagnini était considérable. Après la mort de l’humaniste, elle passa aux Dominicains de Ferrare, qui en firent l’inventaire. Ce document, que l’on a longtemps cru perdu, a été récemment retrouvé (Ferrare, Archivio di Stato ; Capsa nera, 95, numéro provisoire 190, fasc. 32). Selon ses indications, interprétées par L. D’Ascia, les textes en langue vulgaire ne représentaient que 10 % de l’ensemble, proportion normale dans une bibliothèque savante. Parmi les textes vulgaires, les romans de chevalerie constituent une part notable, en relation avec la passion que la cour de Ferrare portait à ce genre littéraire. On note également un ensemble de volumes qui témoignent de l’attention portée par Calcagnini aux nouveautés éditoriales.
Illustrations : 1/ titre, annoté par Guiseppe Antonelli en 1852. 2/ armes enluminées d’un propriétaire initial du volume (f. a2 r°). 3-5/ Trois feuillets annotés par Celio Calcagnini (ff. e2 r°, f4 v° et f5 v°).
→ Ediet16 (67 exemplaires).